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Endossement : comment réagir au scandale

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Série sur la science de la commandite

Adapté du texte original d’Hakim Azrour, M.Sc.

Depuis maintenant quelques années, on voit dans la plupart des contrats d’endossement de marque des clauses de moralité permettant à une entreprise de mettre fin à son association avec une célébrité en cas d’événement négatif. C’est ainsi qu’on a notamment vu se terminer des contrats d’endossement entre McDonald et Kobe Bryant; entre Kate Moss et Chanel, H&M et Burberry; ou encore entre Tiger Woods et Accenture, Gatorade et Gilette.

En raison de la nature extravagante ou tout simplement humaine des célébrités, les scandales sont inévitables. Malheureusement, ces scandales sont aussi complètement imprévisibles, et il n’y a généralement aucun signe avant-coureur qui avertit une entreprise que son porte-parole, payé à gros prix, va commettre un égarement. S’il y a une chose que l’entreprise peut contrôler, c’est sa réaction et l’attitude qu’elle adoptera lorsque les médias souligneront à gros traits son association avec la célébrité fautive.

Le cas le plus frappant est sans doute relié à l’investissement de près de 100 millions de dollars que Nike a dû allonger, deux fois plutôt qu’une, pour attirer Tiger Woods.

Il faut se rappeler que certaines compagnies s’investissent à un tel point dans la stratégie d’endossement que le porte-parole devient l’essence même de la marque. Nike le fait d’ailleurs très bien, comme en témoigne sa gamme de produits de basketball Air Jordan, ou encore celle de golf portant le nom Tiger. C’est bien connu, la collection d’articles de golf de Nike est aujourd’hui une marque d’une valeur considérable, atteinte grâce à un investissement substantiel et continu en R. et D., mais aussi en capital de marque. C’est donc tout cela qu’à dû considérer la firme Nike, qui non seulement n’a pas rompu avec Woods lorsque le scandale d’infidélité a éclaté, mais qui a même ouvertement aidé le golfeur à traverser la tempête médiatique.

En fait, le dévoilement d’un scandale dans les médias ne représente pas une fin en soi, mais plutôt le début d’un bouleversement, tant pour la célébrité que pour la marque endossée.

Comme on peut le constater, il est difficile de cerner ce que la marque devrait faire lorsqu’elle est mêlée à un scandale lié à une célébrité. Qu’auriez-vous fait à la place des représentants de la firme de consultants Accenture en apprenant que le meilleur golfeur du monde, qui est aussi votre ambassadeur marketing, avait eu des aventures extraconjugales avec plus d’une centaine de femmes? Peut-être auriez-vous préféré agir au nom des restaurants Subway, alors qu’on publiait une photo de Michael Phelps fumant de la marijuana avec un « bong », et ce, seulement quelques jours après avoir conclu avec lui un généreux contrat d’endossement pour vous représenter? Si vous trouvez le golf et la natation trop risqués, le baseball n’est pas plus sûr. En effet, MasterCard a vu son ambassadeur Barry Bonds, détenteur du record de tous les temps au chapitre des circuits et gros comme un bœuf de l’Ouest, jurer la main sur le cœur n’avoir jamais reçu de stéroïdes du laboratoire BALCO…

L’histoire nous a montré que ces firmes en question peuvent emprunter diverses avenues. Doivent-elles appuyer la célébrité, la désavouer ou tout simplement ne rien faire?

Une analyse portant sur 60 cas réels de scandales, impliquant 23 firmes commanditaires et 32 célébrités, nous aura confirmé une première chose : les entreprises paient très chèrement les scandales des célébrités qui les représentent. Lorsqu’on étudie un scandale, on rencontre deux « moments de vérité ». D’abord, il y a l’annonce du scandale dans les médias, puis, généralement quelques jours plus tard, l’annonce de la réaction de l’entreprise face à ce scandale. Lorsqu’on additionne les pertes financières des deux événements étudiés, le jour même de leur sortie dans les médias, le marché évalue l’impact financier moyen d’un tel scandale à une baisse de 0,75 % de la capitalisation boursière de l’entreprise. Quand on pense que les valeurs des entreprises se chiffrent en millions, voir en milliards de dollars, les répercussions justifient pleinement que les firmes s’intéressent à la problématique.

De plus, les analyses ont aussi permis de présenter une ligne directrice claire pour les gestionnaires confrontés à un scandale impliquant une personnalité qui appuie leur marque. Lorsque vient le temps pour la firme de réagir au scandale, quel que soit le contexte ou la gravité de celui-ci, la position à adopter dans l’optique de protéger la valeur de l’action est de tout simplement garder le silence. On peut attribuer cela au fait que si l’entreprise décidait de réagir, soit en appuyant ou en désavouant la célébrité, le marché verrait alors ce geste d’un mauvais œil, pensant que la firme tente de limiter un potentiel désastre financier. Ainsi, en gardant le silence, la compagnie évite d’envoyer au marché un signal pouvant être interprété comme une tentative désespérée d’éviter des pertes financières.

En pratique, on peut penser que l’avenue du silence n’est certainement pas la plus intuitive à prendre pour un gestionnaire, car ses supérieurs hiérarchiques s’attendront sûrement à une réponse de sa part. Ils pourraient interpréter cette réaction passive comme une absence de réaction. Heureusement, la présente étude apporte pour la première fois une confirmation empirique des effets favorables du silence sur la valeur de la firme. Les gestionnaires peuvent donc maintenant, en toute confiance, s’abstenir de faire des commentaires dans les médias qui pourraient être mal interprétés.

Toutefois, il est important de rappeler que le seul but de cette recommandation est de maximiser la valeur boursière de l’entreprise. Ainsi, nous conseillons aux gestionnaires de garder une vision globale du scandale, fondée sur un raisonnement qui tient compte du jugement éthique, des conditions du marché (ex. : risque qu’une autre entreprise s’approprie la célébrité) ou des clauses du contrat d’endossement (ex. : conséquences financières de mettre fin au contrat).

 

En résumé :

    • Les scandales impliquant des célébrités qui appuient des marques sont de plus en plus fréquents aujourd’hui, d’où l’apparition des clauses de moralité permettant aux firmes de rompre avec la personnalité impliquée.
    • Un scandale d’endossement fait très mal à la firme commanditaire, et entraîne une baisse moyenne de 0,75 % de sa capitalisation boursière.
    • Si une firme veut minimiser l’impact négatif du scandale sur sa valeur boursière, sa réaction devrait être de garder le silence et de s’abstenir de publier des communiqués ou de faire des annonces dans les médias.
    • Malgré tout, un gestionnaire averti devrait considérer tous les aspects de la situation avant de choisir sa manière de réagir face au scandale (appui, désaveu ou silence).
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